Matrice de double matérialité : qu’est ce que c’est ? 

L’idée ? La comptabilité a un rôle à jouer dans la notion d’impact. 

Oui, les normes et principes comptables peuvent permettre de garantir l’exactitude et la transparence des rapports financiers. Et justement, un concept clé a récemment émergé en lien avec ce sujet : la double matrice de matérialité. Il s’agit de prendre en compte non plus seulement la dimension financière mais également les impacts non financiers de leurs activités sur les parties prenantes (actionnaires, employés, clients, environnement, etc…). 

Une nouvelle approche très pertinente pour les enjeux de demain. Un élément clé également pour la dimension RSE.

Dans cet article, retrouvez toutes les informations clés sur le sujet. C’est parti !

Qu’est-ce que la double matrice de matérialité ?

Rentrons dans le vif du sujet.

L’idée ? Reconnaître l’impact des activités d’une entreprise non seulement financiers mais également extra-financiers. Jusque là, les entreprises publiaient généralement un rapport d’activité, axé sur la partie financière. Dans certains cas, l’impact du changement climatique sur l’entreprise était pris en compte. Il s’agit maintenant d’aller plus loin et de mesurer l’impact de l’entreprise sur le changement climatique. 

En d’autres mots ? Mesurer les répercussions des activités de l’entreprise sur l’ensemble de ses parties prenantes et écosystèmes (employés, investisseurs, candidats, clients, partenaires, etc…). 

Cette approche doit se traduire par un rapport d’impacts non financiers (qui vient alors en complément du rapport d’activité). C’est une façon d’avoir une vision complète et éclairée des impacts de l’entreprise et de pouvoir avoir davantage d’éléments pour définir une feuille de route cohérente pour les années à venir. 

Bon à savoir : Le sujet est encore assez peu évoqué. Et pourtant, il n’est pas nouveau. Le terme est apparu en 2013 sous l’impulsion du Conseil international des rapports intégrés (IIRC).

Quels sont les avantages de cette approche innovante ? 

Plusieurs éléments à retenir : 

• C’est un bon levier pour piloter l’entreprise : Cette matrice permet d’identifier des risques et opportunités qui n’étaient jusque-là pas monitorés. Autrement dit ? Cela permet d’avoir une vision plus complète et pertinente et de venir aider au pilotage et à la définition de la feuille de route.
• Cela permet d’améliorer la réputation de l’entreprise : En effet, c’est une façon d’instaurer un climat de confiance avec les parties prenantes et d’incarner une approche transparente. C’est un point non négligeable pour les investisseurs mais cela peut également faire la différence pour la marque employeur ou par exemple à l’occasion d’un appel d’offres.
• Cela permet d’anticiper les exigences réglementaires : Il y a fort à parier que la double matrice de matérialité suive le même développement que les indicateurs financiers. Cette dernière va prendre de l’ampleur et pourra devenir un élément obligatoire à terme. Autant anticiper et maîtriser les différents enjeux dès que possible. 

Bon à savoir : Depuis 2014, l’Union européenne (UE) a introduit une directive sur les rapports non financiers. Cette dernière oblige déjà les grandes entreprises à divulguer des informations non financières. 

Quelles sont les limites et enjeux de cette matrice ?

La mise en œuvre de la double approche de la matérialité peut s’avérer difficile pour les entreprises. 

• La mauvaise compréhension du sujet : Le sujet est encore peu connu et mal compris. Il peut donc y avoir des résistances en interne à sa mise en place. Cela implique de prévoir une première phase de sensibilisation et d’information afin de s’assurer que les parties prenantes puissent bien comprendre les avantages et intérêts de cette approche.
• Le manque de données fiables : En général, les entreprises suivent les données financières mais pas nécessairement le reste. Cela implique qu’à date il y a généralement très peu de ressources et données sur la partie extra-financière. Cela peut donc rendre difficile l’identification des risques et opportunités. 
• Les ressources nécessaires (humaines et financières) : Comme pour tout changement stratégique ou projet de grande ampleur, cela nécessite de pouvoir y attribuer des ressources afin que le déploiement soit efficace. 

5 étapes incontournables pour déployer la matrice de double matérialité en entreprise

La mise en œuvre de la double approche de la matérialité nécessite une stratégie globale impliquant toutes les parties prenantes concernées au sein de l’entreprise. Voici quelques étapes qui peuvent être suivies pour le déploiement et la mise en oeuvre de cette approche :

1. Identifier les parties prenantes concernées : Les entreprises doivent identifier toutes les parties prenantes concernées par leurs activités. Cela inclut non seulement les employés, mais aussi les clients, les fournisseurs, les investisseurs ou encore l’environnement.
2. Définir les impacts non financiers : Les entreprises doivent identifier les impacts non financiers de leurs activités sur les parties prenantes. Cela repose sur 3 piliers : l’environnement, la dimension sociale, la réputation (on parle aussi d’image de l’entreprise).
3. Mettre en place des systèmes de reporting : L’enjeu est ici de définir des indicateurs clés et objectifs afin de pouvoir suivre efficacement les impacts non financiers. En toute logique, cela peut impliquer des changements structurels ou organisationnels au sein de l’entreprise.
4. Organiser un cadre de reporting : Il s’agit ici de réaliser une analyse complète des résultats obtenus sous la forme d’un bilan ou rapport. Cette dernière peut être transmise aux parties prenantes. C’est surtout un outil de pilotage pour prévoir les actions et ajustements futurs.  
5. Sensibiliser les collaborateurs : Afin de maximiser les résultats et l’atteinte des objectifs, l’entreprise doit impliquer au maximum les parties concernées. Pour cela, des actions de sensibilisation et d’information sont à prévoir. C’est la seule manière de faire en sorte que cette vision soit incarnée à chaque maillon de l’entreprise. 

Bon à savoir : Pour le moment, la matrice de double matérialité est généralement utilisée comme une ressource complémentaire et intégrée directement au sein du rapport d’activité de l’entreprise. 

Cas pratique : la matrice du groupe Unilever

Des grands groupes ont déjà adopté cette approche. C’est le cas de Unilever. 

Cette multinationale a ainsi élaboré un plan de développement durable qui vise à réduire l’impact de l’entreprise sur l’environnement et à améliorer la vie des gens dans le monde entier. Ce plan comprend des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’amélioration de la sécurité alimentaire. Unilever rend compte des progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs dans son rapport annuel.

Retrouvez un aperçu ci-dessous de la matrice de matérialité de Unilever 

(telle que présenté dans son rapport annuel de 2020)

3 idées reçues sur la double matérialité

1. Elle ne concerne que les grandes entreprises. C’est faux. Cette approche concerne toutes les entreprises, quelle que soit leur taille (PME, grand groupe, etc…)
2. Elle ne concerne que les entreprises de certains secteurs. C’est faux également. Cette méthode est adaptée à tous les secteurs d’activité (énergie, transport, conseil, luxe, commerce, etc…).  
3. Elle est trop complexe et trop longue à mettre en œuvre. Elle est considérée comme compliquée à mettre en place, parce que pour l’instant trop peu maîtrisée ou trop peu connue. En revanche, en s’appuyant sur des experts, ce type de méthodologie peut rapidement et efficacement être mise en place.

En résumé, la double matérialité est une approche très pertinente et nécessaire afin d’aller vers plus de transparence de l’information financière. C’est un outil encore nouveau qui nécessite d’être peaufiné mais qui peut devenir un véritable levier pour les entreprises dans la construction de leur modèle de demain. 

Quel avenir pour la matrice de matérialité et la comptabilité ? 

Le sujet est de plus en plus pris au sérieux. 

Il est en train de passer de concept théorie à norme incontournable. 

En effet, que ce soit en raison des pressions extérieures ou par simple prise de conscience, les entreprises reconnaissant peu à peu l’importance des impacts non financiers. Elles adoptent alors la double approche de la matérialité afin de fournir aux parties prenantes une image plus complète de leur impact. 

Pour l’instant, cette approche n’est en revanche ni obligatoire ni soumise à sanction en cas de non mise en application. Par ailleurs, il n’existe pas d’organisme dédié au sujet ou de norme internationale. Il reste donc de nombreux points à cadrer afin de voir cette approche prendre plus d’ampleur.  

4 ressources pour en savoir plus sur la double matérialité

Envie d’aller plus loin sur le sujet, voilà 4 ressources complètes et pertinentes que l’on vous recommande les yeux fermés : 

1. La Global Reporting Initiative (GRI). C’est un organisme indépendant qui cadre le sujet performance en développement durable des entreprises et organisations.
2. Le Sustainability Accounting Standards Board (SASB). Cette organisation à but non lucratif créée milite pour le déploiement des normes pour la mise en place de normes comptables de durabilité.
3. L’International Integrated Reporting Council (IRRC). En français, c’est le référentiel pour le reporting intégré. Plus concrètement, cet organisme fournit des orientations notamment concernant l’approche de la matérialité. 
4. Les cabinets comptables (tout simplement). Ils ne sont pas encore tous au fait du sujet mais certains sont à l’inverse déjà très avancés. Il est notamment possible de faire appel à des consultants en Développement Durable qui sauront vous accompagner à chaque étape de la démarche.